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Les instits du PS
10 février 2013

Témoignage sur les rythmes scolaires d'une élue en charge du périscolaire, professeur des écoles et parent d'élèves.

 

PE élue parent

 

Je me décide enfin à écrire une contribution sur le net...Cela fait un mois au moins que je ne pense qu'à ces rythmes scolaires et ce décret, et que je suis tout ce qui peut se dire sur les différents sites de PE, des dindons, à l'instit humeur, du monde aux échos...

 

Il faut dire que je suis triplement concernée par cette réforme et par sa mise en place : je suis professeur des écoles depuis quinze ans, je suis maman de deux enfants d'âge maternelle et primaire, et je suis élue en charge de la jeunesse dans une ville de 6000 habitants, appartenant à une communauté de 13 communes de 50000 habitants, proche d'une grande métropole régionale de 300 000 habitants....Un peu long comme présentation mais nécessaire pour comprendre la complexité du terrain.

 

 Le décret sur les rythmes va pour moi dans le bon sens, mais il est pensé dans un cadre utopique, où chaque mairie aurait la même conscience de l’intérêt des enfants, de l'importance qu'il faut accorder à l'éducation, des moyens financiers et humains qu'il faut mettre en œuvre...et où chaque mairie aurait ensuite ces dits moyens à portée de main' pour ne pas dire d'impôts!).

  Ce cadre utopique incluerait aussi un vrai projet de vie pour les enfants, réfléchi par les parents, les enseignants,les éducateurs , les élus , tous œuvrant dans le même sens,  celui du bien être des enfants et des conditions nécessaires à une coéducation réussie.

 

 La réalité est tout autre, nul besoin de chercher bien loin pour en avoir des preuves !

 Dans le décret, les vrais soucis , résident en fait dans les libertés qu'il laisse, et dans les moyens financiers choisis pour le mettre en œuvre. 

Libertés aux mairies de consulter, ou pas, de mettre en place des activités périscolaires, ou pas, de préférer le matin, la pause méridienne, l'après midi, ou pas !!!, de choisir des animateurs compétents, ou pas, de faire payer les activités périscolaires, ou pas, de respecter des normes d'encadrement décentes, ou pas,d'utiliser les salles de classe, ou pas, de demander la possibilité du samedi au lieu de mercredi, ou pas, de mettre en place la reforme en 2013, ou....en 2014 ( là, le « pas » est quand même impossible!)...

 Libertés aussi aux mairies de financer comme elles le veulent ou le peuvent cette réforme, en décidant un réel effort financier sur le budget,ou pas, en faisant payer aux parents les activités,ou pas, en prenant sur le budget école, ou pas.....J' arrête là !

 

Un cadre national plus restreint concernant les activités périscolaires (idéalement prévues après les cours), les horaires et les jours travaillés, un budget national, pour une reforme nationale...De quoi tendre vers une équité des enfants partout en France ! Oui mais voilà, à mon tour d'être utopique !

 

La possibilité de dérogation pour 2014 crée à elle-seule quantité de problèmes à l’échelle d'un territoire, pour les familles, les enseignants, les associations, les communautés de communes!Personnellement, 12 communes sur les 13 partiront en 2014 , avec la volonté de bâtir un vrai projet de territoire,de mutualiser éventuellement certains moyens humains permettant à nos communes rurales d'avoir des intervenants...Une seule se décide pour 2013, contre l'avis des parents et enseignants. Pas de chance, c'est celle où je travaille : mes enfants n'auront pas classe le mercredi l'année prochaine, mais moi si !

Nous avons des associations sportives qui regroupent des enfants de toutes nos villes, une piscine intercommunale, une médiathèque et un théâtre...Pour une commune isolée dans un territoire, que de casse -tête ! Et nous avons choisi aussi 2014 parce que la métropole proche de nous ne se lancera qu'en 2014 aussi...

 Le fait de laisser les mairies financer ces projets est aussi une vraie source d’inégalités. Certaines n'auront pas envie de faire des réels efforts financiers,  d'autres vont se décider pour 2013 pour avoir une aide financière, mais ne pourront plus suivre en 2014, d'autres n'ont pas de locaux disponibles, et ne veulent pas utiliser les classes, d'autres s'en foutent, d'autres font des choix électoraux, et je sais de quoi je parle : j'ai travaillé en zone urbaine sensible pendant 10 ans, avec un aménagement du temps de l'enfant, des activités de 15 heures à 17 heures, une semaine de 4,5 jours avec le mercredi matin....Très bien quant aux rythmes, mais plus d'argent pour l’école à proprement parler : fournitures payées par les parents, aucune sortie, un budget par classe dérisoire...Les activités de la municipalité étaient une vraie vitrine municipale, et un gouffre financier, sans parler du problème de recrutement des animateurs!Des 5 ou 6 ZEP de l'agglomération ayant fait ce choix d'aménagement dans les années 90, une seule a perduré, les autres ayant abandonné après une dizaine d'années, pour des raisons de moyens financiers ou humains essentiellement.

   

Je suis pour le changement des rythmes scolaires, pour la semaine de 4 jours et demi, et pour sa mise en place en 2014. Il faut du temps pour être ingénieux...Travailler avec les enseignants et les parents sur des horaires ne nécessitant pas l'embauche de 37 animateurs supplémentaires, travailler avec les associations sportives pour voir avec elles comment elles peuvent changer les heures de leurs entraînement, travailler sur des questions toutes bêtes comme le temps de pause de l'après midi( sur quel temps ? Ou le placer et avoir une vraie activité derrière ? ),se creuser la tête sur l'accès de tous les scolaires aux piscines, médiathèques ou autres lieux culturels intercommunaux ( car la restriction d'horaires d’école réduit le nombre de plages d'accueil), chercher d'autres animateurs disponibles que ceux de la mairie, par ailleurs déjà bien occupés, et puis mettre en place concrètement la gestion des activités, avec le planning des enfants, les lieux d'intervention, revoir le marché de transport …

 

Travailler pour un projet peut-être utopique pour certains, mais en tout cas qui se voudrait durable, autofinancé par les moyens municipaux, sans aide de l'état nécessaire pour pouvoir tenir à long terme...

 

Voilà en un long post ( et je m'en excuse!) quelques unes de mes réflexions actuelles...entre rêves impossibles et réalité à mettre en place, mais avec la volonté que ça marche !

 

Je sais que ce soir, c'est plus l'élue qui s'est exprimée...

 

 

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Commentaires
P
D'abord, bravo pour cette contribution. Ensuite, il faut être utopiste, les utopies sont des idéaux qui nous guident. Quel dommage que ce beau mot, utopie, soit de nos jours souvent considéré comme un gros mot et que ceux qui l'utilisent se sentent presque toujours obligés de s'en excuser... Enfin, je tiens à ajouter qu'en ce qui me concerne, je considère qu'une réforme d'envergure nationale portant sur l'enseignement doit relever d'un cadre fixé par l'état et d'un financement par l'état. Laisser aux communes les modalités d'application et de financement de cette réforme ne peut que générer de très fortes inégalités dont les plus pauvres (citoyens et communes) seront les premières victimes... L'abandon par l'état de ses devoirs régaliens créent partout en France des inégalités destructrices... Je rédigerai probablement un jour un article à ce sujet sur mon blog.
C
En qualité de directeur d'école (PARIS), je me permets de souligner la qualité équilibrée de votre réflexion qui me semble très largement partagé par les enseignants et les familles de mon secteur.
I
Et bien, on n'est pas sorti de l'auberge !
D
Allez-y bon sang ! POur une fois qu'on ne nous parle pas de management mais de créativité !
I
Elus et militants du PS, comment pouvez-vous laisser passer ce décret ? Avez-vous perdu votre conscience ?
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